DEPART POUR LA COLOMBIE – 26 décembre 2012 > 8 janvier 2013

On attend une fenêtre météo… avec un vent favorable qui voudra bien nous mener à bon port, dans de bonnes conditions. Le voyage de Curaçao à Carthagène, en Colombie, dure trois jours. Cette navigation sera particulière et demande donc plus d’attention aux prévisions avant de partir car le Cabo de la Vela, sur la côte colombienne, est répertoriée comme l’un des cinq endroits navigables les plus dangereux au monde. 3 phénomènes expliquent cela :

1- Sur la côte, une chaîne de montagnes, dont le point culminant monte à 5700m d’altitude, crée de fortes turbulences.

2- Les fonds marins passent de plus de 2000m de profondeur à 100m sur à peine 1 mille de distance, ce qui a pour conséquence de pousser cette énorme masse d’eau contre un véritable mur.

3- La rencontre de 2 courants qui se font face. Le courant général formé par les Alizés (vents d’est) se sépare. Une partie remonte vers le Mexique et crée le fameux Gulf Stream, l’autre partie descend vers le sud, longe le Panama, remonte le long de la côte colombienne et se confronte brutalement au courant général.

Le tout crée une mer agitée avec des vagues opposées et anormalement hautes par rapport à la force du vent.

Fichier GRIBNous avons beau attendre, laisser venir la nouvelle lune qui, selon les dires des anciens, est habituellement signe d’accalmie, les fichiers Grib* n’annoncent pas une météo plus clémente avec les jours qui passent. Les pilots charts** révèlent, aussi, que nous risquons d’attendre encore 40 à 50 jours pour avoir des vents plus doux !

*les fichiers Grib sont des cartes météo marine qui montrent principalement le sens et la force des vents, illustrés par les flèches de vents ici en rouge et en vert, sur une zone choisie, qu’on télécharge sur internet.

**les pilots charts montrent une tendance des météos marines selon un historique d’une centaine d’années, sur une zone et une période données.

Géronimo, fort d’une expérience de plus de six ans avec un tour complet de la terre à leur actif, décide de partir dans une fenêtre météo moins méchante… On réfléchit, on n’y tient pas trop… On en discute, on réfléchit encore… Allez ! Qu’à c’la n’tienne ! On met les voiles le samedi 5 janvier 2013 à 9h30.

1er jour de nav. :

Depuis notre départ, la mer est belle et calme. Nous avons 18/20 nœuds de moyenne. Pour l’instant, la navigation est plutôt douce. Notre cadence est même très bonne, nous avancions à 8,5 nœuds avec le génois et un moteur ce matin et gardons un bon rythme à 7 nœuds de moyenne depuis qu’on a coupé le moteur. Notre but est d’avancer rapidement afin d’éviter une zone de gros vent annoncée sur les gribs pour mardi vers 3h du matin.

La mer s’agite un peu en milieu d’après-midi, avec un vent montant à 28 nœuds, ce qui nous fait monter jusqu’à 9 nœuds. Mais on retrouve ensuite des conditions plus confortables, une fois à l’abri d’Aruba en fin d’après-midi.

La nuit, nous allons bon train à 7/7,5 nœuds, moteurs éteints, selon le vent qui oscille entre 22 et 28 nœuds. La mer est assez calme. Le vent nous rafraichit.

2ème jour de nav. :

La journée, les conditions sont similaires à la veille. Avec 25 nœuds de vent en moyenne, tombé à 15 dans 2ème nuit, et une mer calme à peu agitée, nous aurons finalement passé le cap fatidique de le cabo de la vela tant redouté sans subir le bouillon auquel nous nous attendions. Pfff !!! Un peu décevant, quand-même !

3ème jour de nav. :

Dans l’après-midi, au large de Santa Marta, en Colombie, le vent forcit avec des rafales de 35 à 47 nœuds et devient constant à 30 nœuds en début de soirée. La mer se lève et la houle atteint 3 mètres de creux.

Vers 19 heures, les garde-côtes de Barranquilla nous contactent à la VHF pour nous conseiller de nous éloigner au large, car il existe des hauts fonds dans une zone allant jusqu’à six miles des côtes. Ceci nous oblige à mettre cap au nord et nous positionne perpendiculairement aux vagues. Nous allons donc maintenant être secoués et opter pour un dîner sans préparation !

Nous avons beaucoup de vent durant cette dernière nuit de navigation : 30 à 40 nœuds. Heureusement, nous pouvons continuer notre route vent arrière, en surfant sur les vagues. Notre génois a plutôt l’air d’un tourmentin tellement nous l’avons réduit. Et avec en tout et pour tout ce tout petit bout de voile (envion 4m² au lieu de 60), nous avançons quand-même à 8 nœuds avec des surfs à 11 !

Ecran AISVers minuit, pendant mon quart, un petit triangle vert, signalé par l’AIS*** sur mon écran, m’indique qu’un cargo de 130m de long arrive à notre rencontre à une vitesse de 11,5 nœuds. Il est pile dans notre axe, faisant route face à nous. Nous sommes à la voile et par conséquent, pas trop maîtres de la situation. Impossible de le voir à l’œil nu dans la nuit. Et pourtant, si mes calculs sont bons, il nous reste 24 minutes avant la collision… et on sait tous lequel des deux ne sentira rien ! Je réveille Marc pour avoir son avis de Capitaine, car franchement, je ne sais pas trop quoi faire… Soit je garde mon cap en espérant qu’il me contourne, soit je m’écarte mais je prends le risque qu’il s’écarte dans la même direction… J’ai bien envie de les contacter à la VHF pour leur demander carrément leurs intentions (en espérant qu’ils ne parlent pas seulement espagnol). Le temps presse, ils ne sont plus qu’à 4 miles, soit environ 12 minutes de nous… Quand une voix à la VHF appelle : « Coco dé îles, coco dé îles por Pamplona»… Ouf ! Je suis soulagée d’entendre le capitaine du Cargo. Dans son anglais à l’accent espagnol, je comprends qu’il me demande de garder mon cap et qu’il fera la manœuvre pour me contourner par bâbord. J’avoue que mes quelques minutes de questionnement et d’attente ont été un peu stressantes !

***AIS : Système d’Identification Automatique. Emetteur sur le bateau, qui donne des infos aux bateaux équipés d’un récepteur : sa position GPS (illustré par un triangle vert sur la carte, cliquer sur la photo pour les voir), son cap, sa vitesse, ses dimensions, le type de bateau… Equipement obligatoire uniquement pour les bateaux de marine marchande. Coco d’îles est équipé d’un émetteur/récepteur.

L’épisode du Cargo se renouvellera dans la nuit… Il faut dire que la sortie de Carthagène en est encombrée à perte de vue !

Au petit jour, nous distinguons les contours des gratte-ciels de Carthagène se dessiner dans la lumière du soleil levant. L’image se compose à merveille. Et comme si nous étions attendus, une quinzaine de dauphins viennent nous souhaiter la bienvenue en Colombie, on ne pouvait pas arriver à meilleure heure… La journée commence avec euphorie… On est pressé de découvrir la grande Cartagena de Indias !

lever de soleil sur Carthagène