L’ILE VILLAGE D'USTUPU – 19 > 21 janvier 2013

USTUPU

En arrivant aux abords d’Ustupu, on se dit tout de suite qu’on ne restera pas longtemps. L’aspect général est aux antipodes de ce qu’on recherche, c’est-à-dire un petit coin de paradis désertique entourée d’eau cristalline. Ici, les habitations envahissent l’espace de l’île, jusqu’au bord de l’eau, qui est carrément opaque.

Mais une fois à terre, nous sommes absorbés par l’autre aspect de notre voyage : la vie et les coutumes de nos hôtes. Un heureux hasard nous amène à rencontrer un indien Kuna BENICIOfort sympathique qui parle anglais… Quelle chance ! Sans lui, nous aurions sûrement dû limiter notre visite à un petit tour où seuls nos yeux pouvaient nous renseigner sur leur façon de vivre. Mais grâce à la générosité de Bénicio, nous aurons pu passer 2 jours complets à leur côté. Padre, comme tout le monde l’appelle ici, est un ancien prêtre qui a bien baroudé pour sa « paroisse » (en Espagne, au Brésil, au Pérou et bien-sûr au Panama). Avec toute la patience qui le caractérise, il répond gentiment à nos interrogations sur la vie des Kunas.

Ustupu signifie l’île (ustu) aux lapins (us). Bon, la particularité, c’est qu’il n’y a jamais eu de lapin sur cette île… Mais plutôt un autre petit animal de la famille des cochons, que les premiers Kunas ont surnommé ainsi… Enfin, bref… Il est aussi le plus gros village des San Blas, avec 4000 habitants dont un quart d’étudiants. Les villes voisines, n’étant équipées que d’écoles primaires, envoient leurs enfants étudier sur Ustupu. Pour continuer leurs études, les jeunes émigrent à Panama… et y restent pour travailler. Les étudiants plus défavorisés, ne partent pas et reçoivent leurs cours le week-end par des professeurs de Panama, et travaillent seuls la semaine.

Au restaurant, qui offre un choix de 1 à 2 plats pour environ $3, nous discutons longuement avec Bénicio, des conditions miséreuses d’une partie de la population. Nous ne nous expliquons pas pourquoi ils ne cherchent pas à faire de l’élevage, même à petite sac poubelleéchelle, ou encore un peu de culture. La mal nutrition est un réel problème. Beaucoup de familles ne se nourrissent quasiment pas. Ils sont très dépendants du Panama pour la plupart des denrées de base comme le riz, qu’ils réceptionnent par bateau. Or, la mer étant plutôt mauvaise dans les premiers mois de l’année, les avitaillements en sont restreints. Ils se contentent de bananes et de noix de coco que les hommes vont ramasser sur l’autre rive, tous les matins. La pêche, qui était la principale source de protéines, est devenue quasiment nulle pour cause de disparition de la faune aquatique… Il faut dire qu’ils n’ont pas trouvé mieux que de jeter littéralement leurs sacs poubelles à la mer !!! Nous n’en avons pas cru nos yeux quand nous l’avons vu faire la première fois. A croire qu’ils se disent qu’ils disparaissent quand on ne les voit plus !

06Beaucoup d’aspects typiques de leurs coutumes nous séduisent. A commencer par leurs habitations… Ils les fabriquent avec un genre de roseaux, les cannes servent aux parois et les feuilles à la toiture. Le sol est en terre battue. Ils ont l’eau courante grâce à une WC_001source qu’ils acheminent de la montagne du continent, mais ils n’ont pas tous de toilettes. Ils ont un système de wc publics sur pilotis (cf photo de droite, au bout du ponton). Généralement, ils ont une hutte dédiée au sommeil où sont pendus les hamacs et une autre pourvue d’un feu central pour la cuisine. Ils utilisent le gaz mais surtout le feu d’écorces de noix de cocos. Aucun moyen de locomotion n’est utile sur l’île.

35Les hommes fabriquent leurs « ulus » ou « cayucos » (pirogues) en allant chercher de gros troncs d’arbres sur la rive de Panama ; du cèdre, du balsa ou de l’acajou. Il est creusé dans la masse et a une durée de vie de 15 et 20 ans. La plupart s’utilisent à la rame mais certaines sont agrémentées d’une voile triangulaire. Rares sont ceux qui possèdent une embarcation à moteur. Défavorisés sont ceux qui ne possèdent pas de bateau pour aller chercher leurs ressources de l’autre côté de la rive, sur Panama.

21Les femmes sont encore habillées selon la tradition Kuna, enfin surtout celles d’un certain âge. Elles portent le « musue » (moussouè) sur la tête, un pagne attaché en jupe et un chemisier paré d’un « mola ». Le mola est une étoffe cousue main par les femmes Kunas. Elles mettent 2 à 3 mois pour en fabriquer un (sachant qu’elles ont aussi les repas, les enfants et toutes les 34activités que les femmes au foyer connaissent au quotidien, à réaliser). Techniquement, il s’agit d’une superposition de tissus comprenant des découpages et des ajouts pour réaliser les motifs. Le travail est considérable tenant compte du fait qu’elles s’appliquent au point qu’on ne voit pas un millimètre de fil à la surface. Elles s’ornent également traditionnellement de très larges bracelets de perles, révélant souvent des motifs et des couleurs attachés à leur famille. Ils recouvrent complètement les avant-bras et les demi-jambes. Les chevilles fines, sont pour les Kunas, un critère de séduction.

09Ayant lu que les indiens Kunas sont plutôt pauvres, nous avions mis de côté des vêtements et des jouets pour eux, lorsque nous faisions nos cartons avant de partir de France. Ici, c’est la période des grandes vacances pour les enfants et les rues en sont investies. A peine avons-nous le temps d’offrir une peluche et un jouet aux premiers enfants rencontrés que le mot est vite passé. Nous n’avons pas à attendre bien longtemps pour être complètement encerclés par toute la jeunesse Kuna. Toutes les petites mains sont tendues vers nous. L’euphorie les pousse à entrer dans une espèce de frénésie presque agressive. Chacun veut sa part du trésor.

19Bénicio nous offre une visite guidée de son île en nous donnant un tas de renseignements sur l’école, le gouvernement, les religions, les conditions de vie, la santé, les méthodes de constructions de maison ou de « cayucos »… Tout au long de notre balade, les enfants sortent, certains nous rejoignent, d’autres nous suivent… et les femmes, toutes les femmes sans exception, s’approchent de 18Loann et nous demandent son prénom et son âge. Bénicio nous confirme ce qu’on pense. Elles sont folles de sa frimousse de porcelaine et de sa chevelure dorée. Il faut savoir que les Kunas adorent les enfants et c’est sûrement aussi un atout pour nous, pour être acceptés facilement. L’hospitalité de Bénicio va jusqu’à nous inviter dans sa famille. Nous avons donc l’honneur d’entrer chez lui et faire la connaissance plus rapprochée de sa sœur, ses cousines et ses nièces, sans oublier les maris et les enfants. C’est ici, à sa cousine, que nous achetons notre premier « mola » avec lequel je compte bien me faire orner un joli bustier que je porterai en souvenir de cette belle rencontre.

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